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Année 2011

 
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Tâter de la brique.

 

      Je m’assois sur un banc et contemple le genre humain. J’ai finis de chercher. Je sais tous. Quel homme peut prétendre connaitre la véritable raison de l’existence humaine ? Moi. Un garçon court sans aucun but, en gesticulant les bras et criant tel un arriéré…  insouciant ; Moi je ne me prends plus les pieds dans le bac à sable. J’ai désormais une raison de vivre. Comment en suis-je devenu là ? J’ai visité les âmes des poètes, elles sonnaient fausses et un jour j’ai rencontré un homme de grande sagesse intérieure.  Il était si vrai, ce n’était pas des paroles vaines de sens.  C’était de la brique rouge et crasseuse, moi j’aime tâter le concret. C’est de cela qu’on a besoin pour vivre. Je l’ai rencontré par hasard.  Je marchais, je m’étais pourtant dit « il faut que je m’arrête de marcher », ça m’ennuyait de me déplacer. Je préférais m’ennuyer assis. Dans la rue à ma droite il y a un banc, celui sur lequel je suis assis en ce moment. Il est toujours à l’ombre, confortable. Il est placé à une intersection : un panorama d’immeubles et de rues encombrées. Les gens passent et ne vous voient pas.  L’endroit n’est pas joli mais d’ici je peux glousser de la condition humaine et me crasser de fumée noire. Mais j’ai continué tout droit. Je ne me suis pas arrêté. J’ai marché encore et encore. M’assoir aurait été un abandon. Je ne sais pas lequel. Un de ces objectifs idiots qu’on se lance à soit même. Jouissance. Je commençais à me sentir seul. La rue était longue et déserte, et pas photogénique pour le touriste  Chinois devant moi -qui bougeait dans tous les sens- pour trouver un angle propice à la façade d’un immeuble pourpre ;  jaune auparavant.  Les magasins fermaient tous les deux mois après leurs ouvertures, j’étais moi-même touriste à chaque venu piétonne dans cette rue. Tourné à droite n’aurait vraiment pas été un mal. La rue résonnait. Je m’étais retourné. Un homme courait. Il était assez loin mais… assez prêt tout de même pour remarquer qu’il était fort. J’avais pris, jadis, l’habitude d’utiliser cet euphémisme. Je peux maintenant dire que c’était un beau tas de graisse. Si j’avais su que cet homme allait changer ma misérable vie couronnée de vide et dénuée de sens… Quand je l’ai vu, je n’ai pu m’empêcher à un ami qui sortait seulement par temps de pluie pour seul raison que les joggers restaient chez eux attendant à la fenêtre que le ciel arrête de leurs uriner dessus. Il se rapprochait. Je me retournais toutes les cinq secondes seulement. Je ne voulais pas qu’il m’écrase. La terre trembla. Je me suis décalé sur ma gauche contre la façade d’un bureau de tabac -fermé- et j’ai plissé les yeux. Il me doubla. Puis s’arrêta. Il mit ses mains sur ces genoux et haleta. Il était assez grand ; mais bien plus gros que grand. Il avait un short noir qui moulait sa graisse, et un tee-shirt blanc mouillé. Il sua de partout. Il enleva ses lunettes et s’essuya le front avec son avant-bras suant. Il n’était pas comme les autres coureurs du dimanche. Il ne courrait pas dignement torse bombé, mais au contraire, il était ridicule ; plus que les autres. M’apercevant du coin de l’œil, il m’analysa. Il avait dû voir que j’étais faible d’esprit comme de cœur. A première vue il ressemblait à un pédophile. Les apparences sont trompeuses.  C’était un homme bien. D’ailleurs il courait, il se surpassait, en permanence contre lui-même, contre ses grosseurs. C’était humain, c’était réel : l’homme hait ses complexes. Sa carapace protégeait un esprit. Un esprit qui a changé à jamais ma vie. Il n’avait aucune raison de prononcer ces vers philosophiques. Le fond et la forme formaient un tout. C’était un poète, mais pas un de ces poètes qui codent la prose, non lui, il taquinait la langue. Il avait vécu ; pas que du bien. Il représentait les vrais sentiments : ceux que l’on aime et pourtant cache. Il dégageait une force monstrueuse semblable à de la folie : ce n’en était pas. Tout était contrôlé chez lui, ce n’était pas des mots dit aux hasards, il y avait une logique, une pensée irréfutable… J’étais immobile, la bouche ouverte. J’attendais qu’une chose se produise. Lui me regardait fixement, il était impressionnant. Il rentrait son lacet -qui n’était pas défait- dans sa basket à talon. Il remit ses lunettes, et se dressa. Mon regard était fixé sur ses lèvres : allait-il parler ? Sa langue sortit de sa bouche et humidifia ses lèvres d’un coup sabré… Il allait parler :

    « Les salopes, il faut leur rentrer dedans aux salopes, mais attention avec du plastique. » dit l’homme.

    Qui d’autre ? Qui d’autre, à ce moment précis de ma vie, aurait pu prononcer ces quelques mots triviaux à première vue, mais si humain au fond. Il ne m’avait pas dit « bonjour » ou « il fait chaud aujourd’hui, il parait que la chaleur sera pire demain », non lui m’avait donné un conseil avec condition, une raison de vivre. On est resté les deux immobiles. Je réfléchissais. Et si le sens de la vie, la lutte de l’humain, c’était cela. Il continua son chemin. Je suis toujours sur mon banc. J’ai cette force. Mon vide a basculé. J’attends mon tour pour tâter de la brique.

 

 

 

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