A paris, je vis chez une amie. Elle est blonde lune, elle est belle et même quand elle est moche, elle est belle ; Morgane attire l’œil comme Eastwood à l’écran.
Elle m’emmène un jour dans la planque, un squatte appelé “millième dimension”. Sur les murs sont tagués -entre des citations de Bukowski-, les lois du lieu. Le lieu c’est au premier étage, un resto vietnamien vide, au second étage un appartement et au troisième un autre appartement. Sur le parquet, un pigeon est décapité. Il est marqué: “le lieutenant pigeon a tenté d’imposer une autre loi et il en est mort”. Le vrai problème selon Eric, c’est juste que ce pigeon fût un peu trop bling bling…
Morgane est sortie seulement avec deux mecs, un l’année dernière et un cette année. Elle n’aime pas ça, elle préfère être libre. Elle ne me parle pas de ça, c’est Eric qui me l’a dit en préparant les cartes.
“Tu clopes ? … Je connais bien morgane, elle a dépucelé tous mes amis d’enfance.”
Cette jeune fille est décidément de coutumes peu vertueuses… Au squat, ils sont une quinzaine, et c’est souvent belotte et rebelote. Et en silence, faut profiter du plaisir. Ils jouent car la planque n’est pas le lieu de discussions philosophiques, ni de commérages où juste pendant la préparation.
Sous la chaleur du moi d’août, les jours de belotte s’enchainent, Morgane et ses amis jouent et moi je les regarde, surtout elle.
Le jour suivant Eric proposa pendant la préparation -pour lutter contre la lassitude- des récompenses au gagnant de la belotte. Le premier jour, le prix de la récompense n’atteignait pas la valeur d’une brique de la millième dimension. Le deuxième jour, chacun posa sur la table la valeur d’une journée de travail d’un maçon. Mais le millième jour, ils mirent en jeu des objets de valeurs inestimables: voiture, appart… Et ce fut le tour de Morgane:
“Le gagnant pourra faire ce qu’il veut de moi ici présent.”
Toute l’assemblée acquiesça, et sur les visages des pêcheurs de moules parisien, naissaient des sourires narquois. Moi j’étais… indigné, j’aimais bien Morgane.
“Arrête, et prends ça comme une expérience sociologique”. Me dit-elle.
J’étais en colère parce que j’avais peur comme la plupart du temps quand on est en colère. J’étais de la millième dimension depuis belle lurette, j’avais le droit de jouer mais je n’avais aucun objet de valeur. Cela étant Morgane avait réussi à leurrer la bande même si selon Eric “c’est le système qui veut ça”. Il me savait proche de Morgane, j’ai donc proposé de prendre mes valises et de ne plus jamais la revoir si je perdais.
Eric gagna… :
”Ce que je veux ? Et bien… la guillotiner comme ce vulgaire pigeon, c’est le système qui veut ça ! En attendant, toi, t’as pommé tu te casses !” Me dit-il en me montrant du doigt la sortie. Morgane sourit, j’avais les larmes aux yeux.
J’avais de nouveau peur, peur de la perdre, et la colère revint. Mes deux mains crispées se propulsèrent d’un côté puis de l’autre du visage d’Eric. J’avais conscience que la quinzaine réagirait de suite, il fallait les bluffer de nouveau !
“Eric a tenté d’imposer une autre loi, et il en est mort !”
Morgane me fixa, j’étais le nouveau gagnant.